mardi 24 mars 2009

Les couleurs du temps

Un pays qui a fait des équinoxes des jours de fête ne pouvait que séduire mon âme de païen. Je viens de croiser la dernière des quatre soeurs, celle dont le retour couvre l'archipel d'une vague de pétales roses. Parmi les infinis délices du Japon, c'est peut-être celui de retrouver, l'une après l'autre, ces quatre demoiselles que je fréquentait étant enfant que j'apprécie le plus.

Le passage des saisons se lit dans les aspects les plus discrets de la vie japonaise. Les kimonos, ô charmants écrins à l'érotique nuque des Japonaises, s'allient aux couleurs du ciel, aux couleurs des arbres, aux temps qui passe. Si tout est disponible en tout temps de nos jours, la cuisine aime à utiliser les produits de saison : le fugu, ce délicieux poisson-globe qui est pour les Japonais un dangereux plaisir, car parfois mortel, rappelle les neiges d'hiver, et les douceurs que sont les pâtisseries à la pâte de riz ou aux haricots rouges changent d'apparence au rythme des saisons.

Au Japon, l'été meurt brusquement. Ce n'est qu'après plusieurs semaines que je me suis rendu compte que les cigales s'étaient tues cette même nuit qui l'avait vu disparaître.
Le printemps s’est annoncé juste avant l’équinoxe, l’hiver s'est envolé comme l'été avait disparu avant lui, accompagné du bruit de la dernière neige qui tombe. Je me ballade désormais en chemise sous les premières fleurs des cerisiers, et n’ouvre plus mon parapluie pour me protéger de la pluie tiède.

mercredi 12 novembre 2008

Soupe de pommes au curry

A la demande expresse d'Inés, qui s'apprète à affronter l'hiver russe à Izhevsk, et en hommage à ma Trottinette dans sa Kitchenette, si dévouée à notre éducation culinaire, je vous livre ici la recette de ma fameuse soupe de pommes au curry.

C'est rapide, c'est pas cher et ça réchauffe.

(Un Belge au Japon livrant à son amie Espagnole qui vit en Russie une recette qu'il a apprise chez une Colombienne pour qu'elle puisse épater sa colocataire Coréenne... Avouez que ça ne manque pas de sel!)

Ingrédients (pour trois ou quatre personnes) :

- 2 grosses pommes Golden
- 2 oignons
- 100 grammes de beurre
- 1 litre de bouillon de poulet
- 2 cuillères à café de curry
- 1 cuillère de farine ou de maïzena (facultatif)
- 1 petite tasse de crème fraîche
- le jus d'un citron et une pincée de poivre noir -fraîchement moulu, c'est tellement meilleur- pour l'assaisonnement

Recette (un gros 1/4 d'heure) :

1. Couper les oignons en fines lamelles et les pommes en dés.
2. Faire fondre le beurre dans la casserole à feu très doux.
3. Sans les faire frire, faire revenir les oignons dans le beurre fondu.
4. Lorsque les oignons sont mous, et avant qu'ils ne se dorent, couvrir avec le bouillon de poulet (ou bien couvrir d'eau tiède et rajouter un cube, ça marche aussi).
5. Rajouter les pommes, le curry (éventuellement la maïzena), et porter à ébullition pendant 7 minutes.
6. Retirer la casserole du feu, rajouter le poivre et la crème fraîche, et passer au mixer.
7. C'est prêt! Servir à table avec le jus de citron pressé (au goût de chacun).

Prévoir une bonne baguette ou du pain pour accompagner... J'attends vos commentaires!

jeudi 6 novembre 2008

L'Empire des Signes

On me souffle à l'oreille que je ne donne pas assez de nouvelles... C'est bien vrai et ce n'est pourtant pas faute d'avoir de choses à raconter. Mais comme le disait si bien Hyacinte de Cavallère cavalant sur la route d'Antipolis,
Ou tout le moins difficile parfois... A la frénésie des premières semaines ont succédé les rythmes des journées d'école et des derniers beaux jours. Si le climat jusqu'à présent n'avait que peu à envier à la douceur andalouse, il nous promet incessamment sous peu plus de piquant, et je me vois par conséquent plus volontiers derrière mon clavier qu'arpentant les rues de Tokyo by night...

Et puis j'avais bien commencé à écrire, sur les plaisirs du riz, des baguettes et du métro, en somme ces petites choses qui font toute l'expérience du Japon. Mais c'était avant de lire Roland Barthes qui, mieux que beaucoup et certainement que moi, a écrit et décrit la découverte de Tokyo. Petit et abondamment illustré, "l'Empire des Signes" est constitué de courts chapitres formant un cercle qu'il importe peu de commencer ici ou là, qui narrent la ville, son language, ses hommes, leurs silences, et dont on ne peut, comme les poèmes, lire plusieurs à la suite tant le mot est juste.

Ecrit après un premier séjour au Japon en 1969, les pages du livre de Roland Barthes n'ont -hormis celle sur les révoltes étudiantes, qui paraissent si improbables aujourd'hui- pas pris une ride.

"L'Empire des Signes" est à la fois mon carnet de notes des premiers jours à Tokyo et ma meilleure clef pour déchiffrer la ville.
J'y reviendrai.

samedi 27 septembre 2008

La sérénité du Bouddha

Kamakura, 26 septembre 2008.

Il est des villes de pouvoir déchues où, dévêtus de leur rôle temporel, les rites du sacré, immuables, se perpétuent.

Il est lieux révérés que pierres, arbres, et fruits de la terre baignent de leur énergie, quels que soient les hommes et l'esprit de leur temps,

Entre Tokyo et la mer, il y a Kamakura.

Kamakura a cette même aura que possède Sintra ou Grenade, l'air y est doux, la lumière différente.

Depuis sa promulgation au rang de capitale du Japon (la première, en 1192), la ville s'est couverte de sanctuaires et de temples où, face à l'océan, face aux désastres, shintoïsme et bouddhisme se font face, s'allient, se complètent.

Pourrait-on d'imaginer un lieu plus adéquat pour s'initier aux rites shintoïstes que le sanctuaire Tsurugakao Hachimangu, auquel conduit une allée de cerisiers d'un kilomètre de long?
Par l'eau lustrale -sur les mains, sur la bouche-, par le bruit soudain du tambour dans le recueillement devant le saint des saints, je retrouve une religion qui n'a jamais été la mienne.

Plus loin, Kannon aux 11 visages m'apparaît dans toute sa majesté. J'avais déjà parcouru en rêve les jardins de son temple. Je verse de l'eau sur la tête de Jizo. Je pousse le moulin à prière dans les pas de Bouddha. Je carresse le visage de Daikokuten, le premier des sept dieux de la fortune à croiser mon chemin.

Je regarde la mer.

J'entre dans le Daibutsu. Me voici dans le ventre de Bouddha. Il défie le temps, les typhons, les secousses de la terre. Son sourire est grec. Ses yeux mi-clos d'un mètre de haut cachent le secret de sa sérénité.

Il y a le cahotement du tram qui longe la plage, puis la vitesse du monorail suspendu qui traverse la forêt et survole les villages.

Un peu plus loin, j'apprends les techniques de la potterie Heian.

Dans la spirale de glaise de mon tour de potier, je retrouve la sérénité du Bouddha.

jeudi 18 septembre 2008

en vrac *

- Ici le sucre est liquide.

- Ici les grattes-ciels poussent en silence.

- Mais où sont les poubelles?

Sigillographie japonaise

Aujourd'hui, j'ai fait l'acquisition d'un objet marquant symboliquement mon entrée dans la vie quotidienne de l'archipel, un indispensable sésame du système bancaire japonais : le sceau.

Ce petit cachet rond, d'à peine un centimètre de diamètre, qui tient -accompagné de son petit encrier rouge- dans un boîtier à peine plus grand qu'un tube de rouge à lèvres, porte le nom de
inkan [いんかん], et tient lieu de signature au Japon, ainsi que dans d'autres pays d'Asie comme la Corée ou la Chine.

Il représente, en général, les kanji qui composent le nom de son possesseur. Les plus courants sont en vente dans toutes les papeteries, mais ils peuvent être fabriqués sur demande.

Si le sceau est indispensable, il n'est en revanche pas obligatoire que celui-ci reflète le nom de son possesseur. Et si j'ai un instant considéré la possibilité de prendre un patronyme parmi les moins chers -parce que plus courants-, tels que Mizuno ou Tsuno, j'ai finalement opté pour un sceau personnalisé... Après tout, combien de fois a-t-on l'occasion de se faire fabriquer ce genre d'objet?

Le mien est en bois, et représente les sons qui composent "David", à travers trois kanji que l'on pourrait traduire comme suit : "strike (au base-ball)" / "soleil" / "homme". Mon sceau en revient donc poétiquement à me présenter comme "l'homme qui frappe le soleil". Les mêmes sons pouvant être représentés par plusieurs kanji (tout comme les kanji peuvent être lus de différentes manières) il y avait également une autre possibilité qui a beaucoup fait rire la vendeuse : "changer" / "s'il-vous-plaît" / "la porte"...